'nul, Buffy. Il s'agit d'une opinion
assez répandue ; à la fois par ceux qui n'ont jamais regardé la série et par ceux qui
n'ont pas "accroché". Voici donc un guide pratique et argumenté à l'usage de ceux qui veulent dénigrer
la série.
Ce n'est qu'une série télé !
Les séries télévisées ont un format destiné à faire patienter entre les pubs et à provoquer
une accoutumance.
La durée totale est fixée par des impératifs de diffusion (42 minutes précisément, il n'est pas possible de faire plus court
ou plus long, sauf rares exceptions comme l'épisode musical, qui existe d'ailleurs dans une durée de 50 minutes ou dans
la durée standard de 42 minutes). Ce minutage précis a forcément des conséquences sur l'épisode : le montage doit
parfois couper des scènes intéressantes, ou au contraire laisser des longueurs afin de tenir dans la durée
impartie (d'ailleurs, on remarque dans certaines séries, même si Buffy pour le coup est assez épargnée, des plans intermédiaires
sans liens avec l'histoire comme des survols aériens).
Aux USA, il n'y a pas moins de quatre coupures de pub dans un épisode. Ces coupures imposent un découpage
de la narration en 1 prégénérique et 4 actes. Le prégénérique est une manière d'obliger le téléspectateur
à ne pas zapper en attendant le début de son programme, car là où le générique permet de ne pas
être précis en changeant de chaîne le temps des pubs (si on tombe sur le générique, on sait que le programme
commence bientôt, par contre si c'est la pub on n'a pas de marge, le début de l'épisode peut commencer
immédiatement après le spot de pub en cours, ou le suivant, ou le suivant, ...). L'histoire
doit s'adapter aux coupures, chaque acte doit finir sur un cliffhanger, le spectateur est
ainsi encouragé à regarder la publicité pour avoir la réponse à la situation laissée en attente, c'est
sa récompense ; de plus pour éviter le contraste avec le format (très court à court) publicitaire,
la narration s'accélère pour maintenir le rythme.
Ce qui s'applique à la construction d'un acte peut s'appliquer également à l'épisode, voire la saison :
l'épisode - ou la saison - reste en suspend en attendant la suite.
Ainsi, Buffy a connu 2 changements majeurs de diffusion : le changement de jour de sa diffusion
(qui a été l'occasion d'un double épisode culte : « Innocence 1 & 2 » (2-13/14),
où Buffy perd sa virginité et Angel perd son âme pour devenir Angelus) et le passage
de la chaîne WB à UPN (entre la saison 5 et la saison 6, où Buffy meurt puis ressuscite).
Ces 2 évolutions dans la diffusion ont donc dicté des évolutions
majeures de l'histoire. On remarquera par ailleurs que c'est pendant les "sweeps" (périodes
où sont mesurées les audiences en vue de fixer les tarifs publicitaires) que les
épisodes en 2 parties et les crossovers entre BtVS et AtS sont diffusés.
Buffy n'est pas qu'une série (c'est à dire un ensemble d'histoire indépendante dans le même contexte),
mais a une composante feuilleton importante : si le spectateur ne regarde pas un épisode, il
aura quelques difficultés à comprendre l'épisode suivant. Cette forme a des inconvénients
(quelqu'un qui regarde à l'occasion sera détourné du programme), mais a aussi pour
avantage de rendre captif le spectateur : parfois un élément important pour la suite sera distillé
dans un épisode dont 95% de l'histoire sera sans conséquences pour la suite.
Le casting est formaté pour la télévision : des acteurs et des actrices bien plus beaux que leurs
rôles (Willow devait d'ailleurs au départ être jouée par une actrice plutôt ronde, mais a
finalement été remplacée sur la pression du diffuseur), avec un age réel plus proche d'un
début de vie active après des études universitaires longues que de la seconde dans un lycée !
Ainsi, même si certaines scènes étaient tournées dans un vrai lycée, il fallait faire appel
à des figurant, car les vrais lycéens avait l'air beaucoup trop jeunes. Bref, sur cette série
a été appliquée la règle N° d'une série "réussie" : des filles et des garçons sexy, et
pour viser une audience plus large des femmes et des hommes sexy (Giles, Joyce, ...).
Ce n'est pas réaliste
On ne peut pas s'attendre de la part d'un série au titre de "Buffy contre les vampires" à beaucoup
de réalisme. Encore que si l'on admet les quelques principes de base de la série (les vampires,
les montres et la magie existent, et Buffy est l'Élue chargée de les exterminer, mais à part
çà on est dans un monde similaire au notre), on pourrait espérer
un certain réalisme dans ce contexte fantastique.
Mais dans ce cas, pourquoi devrait-on admettre
de nouvelles invraisemblances par la suite ? Pour prendre un exemple que beaucoup de fans rejettent,
parlons de la robotique : les robots intelligents à forme humaine sont apparus plusieurs fois dans la série :
Ted, le petit ami de Joyce créé dans une cave dans les années 50, ou encore le robot-Buffy construit par un
étudiant dans sa chambre !
Quand aux vêtements, on ne peut que remarquer que quelque soit la situation financière
de Buffy, elle est toujours habillée très chic, et ne porte jamais 2 fois la
même tenue. De même Willow a toujours le dernier portable Mac (ce qui est assez curieux
alors qu'elle est sensée être un génie de l'informatique, elle devrait préférer un
système pour bidouilleurs).
La passivité des habitants de Sunnydale est aussi très surprenante. Malgré un taux
de mortalité et de disparition élevé, malgré le nombre de témoins élevé,
malgré les événements bizarres pas particulièrement discrets, tout se passe
comme si rien ne se passait. En aparté, il y a un superbe fanwank à ce sujet
(c'est à dire un délire argumenté de fans) : le maire de Sunnydale Richard Wilkins III
a ensorcelé la population depuis son accession à son poste à la création de la ville,
et le charme commence à se dissiper...
Buffy, une série cohérente ?
Soit, le Buffyverse n'est pas réaliste et ne prétend pas l'être. Mais est-il cohérent. Quand une chose
est établie, revient-on dessus par la suite ?
Les vampires
La question des vampires, thème central de la série pourtant, pose nombre de problèmes.
Tout d'abord les vampires sont dotés d'une force surhumaine, mais aussi
d'une surprenante technicité.
Cette puissance met en danger La Tueuse et ne devrait laisser aucune chance à un humain
normal, d'autant plus que cet humain n'a aucune expérience ni connaissance particulière
du combat : Alex, Gilles ou même Cordélia tuent des vampires régulièrement, parfois
par surprise, mais le plus souvent au cours d'une bagarre générale.
En fait, la force des vampires semble varier considérablement d'un vampire à l'autre
(on peut comprendre qu'un vampire "nouveau-né" soit moins puissant et surtout moins
expérimenté qu'une créature bicentenaire), mais surtout fluctue pour un même
vampire.
Une autre caractéristique des vampires est qu'ils ne respirent pas, car ils
n'ont pas besoin d'oxygène. En fait, la série est très précise car Angel
déclare dans « Bienvenue à Sunnydale 2 » (1-2) qu'il
n'a pas de souffle, ce qui permet à Alex de sauver une Buffy noyée
à l'aide d'un bouche à bouche.
Hors les vampires fument (d'ailleurs, c'est une caractéristique des méchants :
ils fument. Quand Angel perd son âme, il fume à travers la gorge de sa
première victime, Harmony s'y essaye aussi après sa transformation en vampire).
Donc ils inhalent la fumée et l'exhalent.
De la même façon, quand il fait froid de la condensation se forme.
Une autre caractéristique des vampires est l'absence de battement du coeur et
de pouls, donc de circulation sanguine. De plus, les vampires sont à sang
froid, c'est à dire qu'ils sont à la température ambiante, comme les
cadavres qu'ils sont en fait. Tout cela enlève du romantisme à certaines
scènes (à moins d'une pièce surchauffée)...
La Tueuse et sa bande de tueurs
Chaque membre de l'équipe (je parle de ceux du bon côté) a un ou
plusieurs êtres humains sur la conscience (et cela ne semble pas
leur peser particulièrement)
- Angel : on pourra objecter qu'en fait le monstre est Angelus, mais lors
de flash-back se passant après la malédiction (« Darla » A2-7),
Darla dit qu'Angel se nourrit (et tue) uniquement de violeurs, de meurtriers, de voleurs, ...
Docn des humains alors qu'il avait son âme.
- Buffy : elle a tué de nombreux chevaliers de l'Ordre de Byzantium, en état de
légitime défense il est vrai mais sans chercher à provoquer le minimum de dégâts
(« La spirale » 5-20).
De plus, elle a essayé de tuer ses amis dans un moment
de folie ou de lucidité (« Á la dérive » 6-17).
- Willow : la Willow aux cheveux noirs a tué Warren et le sorcier Rack.
- Alex : après avoir déjà failli provoquer des morts en faisant un sort dans
« Un charme déroutant » (2-16), il récidive dans
« Que le spectacle commence ! » (6-7) et provoque des morts ; son cas s'aggrave
par son silence alors que le scooby gang cherche à comprendre le problème.
- Giles : pendant sa jeunesse, il participe au culte du démon Eyghon
« La face cachée » (2-8), ce qui entraîne la mort de
certains de ses camarades à l'époque ou dans l'épisode.
- Ania : si elle n'a tué que pendant qu'elle est démoniaque, c'est
de manière volontaire - à 2 reprises - qu'elle devient Anianka.
- Spike : en tant que vampire, il a bien sûr tué à de nombreuses
reprises. En tant que vampire avec une puce, il a contourné le problème
de ne pas pouvoir tué lui-même en s'associant avec Adam ou Drusilla. Pour
le moment, le vampire Spike avec une âme n'a tué personne, mais on a vu
avec Angel que cela reste possible pour le futur. En fait, on peut raisonnablement
supposer que dans « Rédemption » (7-1) il est celui
qui a fabriqué le talisman qui a invoqué les morts.
En fait, le respect de la vie intelligente s'arrête à la vie humaine.
Contrairement à la justice humaine qui respecte la vie des pires
monstres dans la plupart des démocraties (pas les USA, certes), la
justice de la Tueuse est expéditive et définitive. Une fois dans
l'épisode « Argent sale » (A2-12), Angel
tue - et regrette son geste - un démon pacifique par nature mais drogué.
C'est surtout dans AtS que cette question du respect de la vie
des démons se pose.
La question d'épargner les vampires se pose d'autant plus qu'il ne
semble pas si compliqué de rendre son âme à un vampire (Jenny Calendar
a traduit la malédiction ; Spike a rencontré un démon avec ce pouvoir),
donc la rédemption est possible pour les vampires.
Conclusion
En 2002, les pieds dans le Paf a publié un classement des séries
les plus nulles, et « Buffy contre les vampires » était bien placée si ce n'est en tête.
Si je pense qu'objectivement BtVS est une très bonne série,
elle n'est pas d'un accès aussi facile (par son titre qui a failli m'arrêter, par la
continuité qui exige une certaine fidélité, par son thème fantastique, ...) que
les séries formatées, sans âme et sans originalité qui font le succès des
jeudi soir sur TF1.
Un autre problème est le positionnement très jeune du Buffyverse en France,
alors que sa cible est plus âgée (20-30 ans). En effet, même si la
plupart des thèmes sont traités par le biais de la métaphore ou des
sous-entendus, les images et les thèmes ne conviennent pas à un public trop jeune.
Il reste que Buffy a quelques défauts, les problèmes de continuité étant
un des plus ennuyeux d'autant plus que la continuité est un des points forts du Buffyverse !
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